
Vendredi 23 novembre, nous révélions le divorce consommé entre Isla Délice, marque phare de la société Zaphir, et AVS, organisme de certification et de contrôle halal. Quelques jours plus tard, AVS confirmait l’information, s’engageant à revenir ultérieurement sur ce qui a motivé cette séparation. Les consommateurs attendaient alors celui d’Isla Délice, qui a préféré garder le silence pendant quelques jours.
Aujourd’hui, soit quinze jours après, Isla Délice publie un communiqué de presse. Ceux qui comptaient sur ce communiqué pour apprendre et comprendre les raisons de ce divorce resteront sur leur faim. Notons du reste qu’AVS n’a toujours pas, à ce jour, précisé les causes de sa séparation avec Isla Délice.
Zaphir a en effet choisi de ne pas revenir sur la fin de son partenariat avec AVS. Dans le communiqué disponible sur son site, Isla Délice annonce officiellement la signature avec l’ARGML-mosquée de Lyon. Rien de nouveau en cela, puisque le partenariat été acquis avant même que l’information soit rendue publique.
En revanche, ce qui est intéressant, c’est :
1- le choix de ne rien dire de la fin du partenariat avec AVS. Isla Délice a, selon toute vraisemblance, choisi la prudence : on peut penser que l’affaire sera portée en justice. Communiquer en public peut s’avérer alors risqué. Dans ces circonstances, se taire évite d’apporter de l’eau au moulin à son ancien partenaire. Malgré tout, il aurait peu-être fallu, quitte à être évasif, apporter une réponse aux nombreuses questions que se posent les consommateurs.
2- la teneur du communiqué : l’annonce du partenariat avec l’ARGML vise plus à rassurer les clients d’Isla Délice qu’à les informer. « Fidélité », « engagement », « principe », « pilier », satisfaire », « exigence », « confiance », « respecter », « rigoureuse », etc. Les termes choisis par Zaphir disent en filigrane la crainte de perdre la confiance de ses clients. Idem s’agissant du nouveau partenaire certificateur, l’ARGML, décrit en des termes dithyrambiques, si bien que l’on se demande pourquoi Zaphir n’a pas rompu plus tôt son contrat avec AVS.
Les circumambulations pour dire sans le dire que désormais la marque Isla Délice fera usage de l’électronarcose avant saignée. Isla Délice ne parle pas « d’electronarcose » – pratique qui consiste à tremper la volaille dans un bain électrifié afin de la rendre inconsciente -, mais « de protocole d’insensibilisation ». Il faut dire qu’on est là en terrain miné.
« La définition d’un protocole d’insensibilisation de la volaille avant son sacrifice rituel, spécifiquement développé par l’ARGML et demeurant sous la responsabilité exclusive des contrôleurs rituels. Ce protocole ARGML garantit strictement que l’animal est bien vivant avant son sacrifice rituel (conformément aux principes islamiques) et par là même, permet à l’ARGML de s’engager sur la licéité religieuse des produits qu’elle certifie. »
Une fois encore, l’ARGML, qui profite de la défiance des consommateurs à l’encontre de la mosquée de Paris et de la mosquée d’Évry – notamment après le reportage de Feurat Alani diffusé sur Canal+ en 2010 et 2011, ne joue pas le jeu. Interrogés sur l’électronarcose, les responsables de l’association liée à la mosquée de Lyon n’ont de cesse d’affirmer que, s’il est difficile de revenir sur des accords avec les partenaires de longue date, choisir l’abandon de l’électronarcose serait imposée aux nouveaux. Dans les faits, c’est systématiquement le contraire. Carrefour, Quick et désormais Isla Délice ont été accueillis les bras ouverts.
Sur la question de l’électronarcose, l’ARGML adopte une attitude ambiguë. Il lui arrive d’indiquer qu’elle réprouve cette pratique, mais dans les faits elle l’applique systématiquement. Plus embêtant, l’association liée à la mosquée de Lyon affirme être prudente quant à sa mise en application, assurant veiller qu’aucune volaille morte avant la saignée ne soit conservée avec le reste des bêtes. Pourtant, sur les sites d’abattage, ce ne sont pas les contrôleurs de l’ARGML qui gèrent les réglages du bac électrifié, dans lequel les bêtes sont étourdies. Comment dans ces conditions s’assurer que l’intensité du courant électrique dans le bac n’est pas mortel ?
De même, il est étonnant qu’Isla Délice veuille convaincre, avec autant d’insistance, du bien-fondé de cette pratique, eu égard à toutes ces années où la marque misait sur son choix de ne pas y recourir. Ce fut même, avec l’estampille AVS, l’un des principaux arguments marketing d’Isla Délice. Que l’on soit pour l’électronarcose ou contre, ce changement de discours dénote.
Cela dit, comme pour n’importe quel produit, le seul véritable arbitre, c’est le consommateur. L’avenir nous dira si Isla Délice a gagné son pari risqué.
Pour lire le communiqué, cliquez sur le lien suivant : Signature d’un partenariat entre Isla Délice et l’Association Rituelle de la Grande Mosquée de Lyon